Cela faisait déjà deux semaines que j’avais acheté ce grand et sombre miroir du XVIème siècle chez un marchand des environs. Étant un grand collectionneur de miroir, je me dis que celui-ci irait à merveille avec ma collection. Ce miroir avait la forme d’un rectangle d’environ un mètre de large sur deux mètres de long. Je l’avais placé sur le mur le plus long de mon château que j’avais acheté à l’occasion de ma retraite pour me reposer de mon long et fatigant métier de CRS dans la banlieue de Marseille. La couleur de son verre était légèrement bleutée par endroits mais cela n’empêchait pas ce miroir de refléter plutôt bien. Quelques petites fissures figuraient sur le verre, mais elles ne gênaient absolument pas.
Puis un jour, j’ai remarqué que les fissures et les tâches bleutées se faisaient de plus en plus importantes. Je me disais que cela était dû au fait que le tableau était très ancien, donc je ne m’inquiétais absolument pas.
Jusqu’au jour où je m’aperçus que les fissures et les tâches bleutées dessinaient sur le miroir une mystérieuse silhouette humaine. Je fus tellement effrayé que je restai plusieurs jours sans passer devant l’étrange miroir. Mais ma curiosité reprit le dessus je retournai donc observer le miroir, cependant quasiment rien n’avait changé depuis. Je n’arrivais pas à deviner si cette silhouette représentait un homme ou une femme car la silhouette était encore trop petite pour pouvoir distinguer quelque chose.
Mais la silhouette s’agrandit et je pus donc observer que cette silhouette possédait une barbe. J’en conclus que la silhouette représentait un homme. Ce qui se passait était très étrange car on aurait dit que le miroir était en train de confectionner son propre personnage. La scène était d’autant plus étrange car la silhouette s’agrandissait au fur et à mesure. Je pus donc remarquer que cette étrange silhouette tenait dans sa main une sorte d’objet que je ne parvenais pas, pour l’instant bien décrire même si je pouvais déjà observer qu’il était plutôt petit avec un manche. Comme je l’avais dit, la silhouette s’agrandissait et peu à peu j’aperçus les oreilles, le nez, la bouche puis enfin les cheveux. Et bientôt, tout son visage et tout son corps apparurent très clairement. La silhouette représentait un homme d’une trentaine d’années, assez bien bâti, avec un teint de peau plutôt mate, il tenait encore l’étrange objet que je n’arrivais pas à distinguer dans sa main. Son visage me disait quelque chose : il me semblait l’avoir déjà vu auparavant mais je ne me rappelais plus à quel moment et à quel endroit. Une foule d’hypothèses fusionnaient dans mon esprit : peut-être l’avais-je vu à mon mariage ou alors à l’occasion du pot servi à ma retraite ou bien alors, je pense que c’est la raison la plus plausible, peut-être l’avais-je vu lorsque j’effectuais encore mon métier. Enfin, un dernier élément apparu : un trou béant demeurait sur sa poitrine. Et c’est seulement à ce moment-là que je reconnus l’étrange personnage. Je l’avais, sans le vouloir, tué au cours d’une manifestation. Et l’étrange objet qu’il tenait dans ses mains n’était autre que le poignard avec lequel je l’avais tué et qui ruisselait encore du sang de la victime. J’étais tellement apeuré que je déguerpis aussi vite que je le pus. Lorsque je revins, après un séjour de plusieurs mois à la montagne, au grand air, je retournai devant le miroir et je vis que l’homme avait disparu.