Le tailleur du roi et son apprenti
Oyez, Oyez braves gens ! Écoutez cette histoire d'avant ! Prêtez-moi votre oreille pour ouïr conte sans pareil ! Il y avait jadis un roi qui avait un excellent tailleur ; ce maître tailleur avait à son service une équipe d’employés qui cousaient ce qu’il taillait. Parmi ceux-ci se trouvait un jeune garçon tailleur, nommé Nidui, très habile dans son métier car il savait parfaitement coudre et tailler.
Un jour, le roi lui ordonna de lui confectionner un vêtement avec le tissu le plus rare et le plus beau. Nidui, apprenti depuis peu au service du roi, ne sut par où commencer. Il demanda conseil à son maître, François. Celui-ci l’envoya voir le vendeur le plus renommé du village. Il avait la réputation de vendre les tissus les plus rares, mais aussi les plus chers. Le jeune tailleur, ayant peu de moyens, s’aventura dans la boutique sans savoir la richesse qu’il fallait pour s’offrir ces étoffes.
À partir de l’instant où il pénétra dans le magasin, il tomba des nues. Jamais de sa vie il n’avait vu de telles merveilles. Sur les étagères, étaient soigneusement enroulés, des rubans multicolores, des pelotes de laine et toutes sortes de fils. Il aperçut également de fines soieries et des tissus de textures variées. Le vendeur s’approcha de Nidui et lui demanda s’il pouvait faire quelque chose pour lui. Le garçon lui expliqua pourquoi il était venu. Le vendeur lui indiqua qu’il trouverait ce qu’il cherchait au Puits d’Argent qui contenait, selon la légende, la magnifique Soie d’argent. Ce puits se trouvait aux pieds des montagnes près du village. Le jeune tailleur se mit en route après être allé prévenir François qui était présent lors de son départ. Quand il découvrit le fameux puits, il s’y pencha et une voix inconnue lui dit :
« Qu’est-ce qui t’amène par ici, ô jeune Nidui ? »
L’intéressé fut d’abord pris au dépourvu en entendant son nom.
« Je cherche la Soie d’Argent, répondit-il à la voix.
- Tu ne l’auras pas sauf si tu prends tes jambes à ton cou pour voir le vendeur de tissu de l’autre côté de la montagne. »
Nidui fut surpris de cette demande. Alors il s’assit, attrapa ses jambes pour les ramener à son cou, en vain.
« Aïe, aïe, aïe ! Pourquoi m’as-tu demandé cela ?! Çà m’est impossible !
- Ah, ah, ah ! Sers-toi de ta tête, ignorant ! Tu n’as rien compris ! Mais, tu m’as bien fait rire. Je t’ai menti car d’habitude, tous les autres partent en courant ! Tiens ! Je t’offre la Soie d’Argent ! » conclut la voix. Le tailleur resta hébété pendant un moment, s’empara de l’étoffe et s’en retourna tout en pensant aux paroles de cette mystérieuse voix. Dès son arrivée au village, François l’accueillit chaleureusement et écouta son récit. Quand il eut terminé, François éclata de rire et, quand il eut reprit son souffle, il expliqua à Nidui ce que signifie « prendre ses jambes à son cou ». Le jeune apprenti sortit de sa besace le cadeau qu’il avait reçu, sous les yeux ébahis de son maître. Le garçon se mit alors au travail. Une semaine plus tard, il apporta sa création au roi.
« C’est superbe, Nidui ! Je suis satisfait et je te remercie. En guise de récompense, je t’offre ces cent pièces d’or qui seront amenées chez toi pour ce soir.
- Merci ! Merci beaucoup votre majesté ! » Il rentra chez lui et continua de coudre et de tailler, tout en allant rendre visite à la voix du puits de temps en temps !
Vous le voyez, Messeigneurs, ce fabliau vous montre qu'ignorance et naïveté font parfois opulence et gaieté.