Réveillé par l’odeur pestilentielle de l’île, Robinson commença à redescendre vers le rivage d’où il était parti la veille. Il allait de chemin en chemin et de tronc en tronc, de talus en talus et de souche en souche, et il y trouvait un déplaisir certain, car il se sentait fatigué après une nuit de sommeil agité, et il découvrait un peu partout des cadavres d’humains. En plus, sa situation était désespérée, car cette île était déserte : les indigènes l’avaient fuie, sans doute parce qu’il y régnait une horrible odeur de chair en décomposition. En outre, elle paraissait hostile aux hommes avec ses falaises abruptes et inquiétantes au Nord, ses marécages embrumés à l’Est, ses forêts impénétrables à l’Ouest et au centre, ce massif rocheux dont seuls dépassaient quelques pics lugubres.
Il en était là de ses réflexions quand il vit, depuis le centre de la plage, un autre fétide cadavre, celui d’un cannibale, sans doute. Déjà, une demi-douzaine d’immenses vautours au cou déplumé et au bec crochu se disputaient le mort. « Robinson les dispersa en faisant tournoyer son bâton au-dessus de sa tête, et les gros oiseaux s’envolèrent lourdement l’un après l’autre en courant sur leurs pattes torses pour décoller. »
NB / En italiques et entre guillemets, une phrase de M Tournier dans Vendredi ou la Vie Sauvage